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| Sujet: Sputnik, premier virus de virus Sam Juil 30, 2011 11:20 am | |
| Sputnik, premier virus de virus
Nom : virus. Prénom : Sputnik. Caractéristique : infecte un autre virus et le parasite. À cette aune, les virus, prétendus inertes, semblent bel et bien vivants.
Qui aurait jamais imaginé qu'un virus puisse être infecté ? À vrai dire, la question ne se posait même pas, un virus n'étant pas considéré comme un organisme. Mais cette certitude, bien ancrée chez la plupart des virologistes, se heurte depuis septembre 2008 à un contre-exemple : le virus géant Mamavirus, qui infecte des amibes, est lui-même susceptible d'être infecté par un petit virus, Sputnik [1] . Et ce dernier, qui a absolument besoin de Mamavirus pour se multiplier, ne se contente pas de tirer parti du virus géant : il entrave sa prolifération.
Cette découverte, réalisée par l'équipe de Didier Raoult, à la faculté de médecine de Marseille, est la plus récente de ces microbiologistes, dont l'objectif affiché est de découvrir de nouveaux pathogènes. Avec un indéniable succès : on leur doit, par exemple, la description de soixante nouvelles bactéries pathogènes pour l'homme. Mais aussi la découverte, en 2003, du virus géant Mimivirus, plus gros que les plus petites bactéries connues. L'histoire jusqu'alors solitaire de ce virus se poursuit aujourd'hui avec Mamavirus, encore plus gros que Mimi, et Sputnik. Avec, en ligne d'horizon, la question suivante : puisque le virus géant Mamavirus est infecté, cela ne prouve-t-il pas qu'il est un organisme vivant ?
Tout commence par une démarche qui sort de l'ordinaire : « Je n'aime pas la recherche déductive, assène Didier Raoult, celle qui veut qu'à partir de données on bâtisse des hypothèses que l'on teste ensuite en construisant des expériences. Car, souligne-t-il, ces hypothèses sont élaborées d'après un corpus de connaissances qui est risible par rapport à l'immensité de ce qui est inconnu. Ce que j'aime, poursuit-il, c'est me placer dans les conditions d'avoir de la chance. La chance de découvrir des choses auxquelles on n'aurait pas pensé ! »
Amibes révélatrices
Cette recherche fondée sur la curiosité, par opposition aux a priori, comment la mène-t-on ? L'un des noms que lui donnent les Anglo-Saxons est à ce titre parlant : non seulement « curiosity-driven », mais aussi « technology-driven », littéralement « conduite par la technologie ». Autrement dit, les outils y jouent un rôle essentiel : « Il s'agit de mettre au point de nouveaux outils, qui permettent d'explorer des milieux inconnus. De sorte que, sans savoir ce que l'on va trouver, on est néanmoins certain de trouver quelque chose, s'enthousiasme Didier Raoult. Et quelque chose de nouveau. »
En l'occurrence, « l'outil » consiste à utiliser des amibes comme révélateurs de pathogènes. Les amibes sont des organismes unicellulaires qui vivent dans les milieux humides et se nourrissent de bactéries : elles les engloutissent et, la plupart du temps, les détruisent. De ce point de vue, elles ressemblent donc beaucoup aux macrophages, ces cellules immunitaires qui patrouillent dans notre organisme et engloutissent les éventuelles bactéries intrusives - les détruisant le plus souvent. Mais dans les deux cas - amibes et macrophages -, il arrive que les bactéries survivent à l'absorption. D'où le parallèle suivant : « Si une bactérie peut survivre à une amibe, elle est potentiellement armée pour résister aux macrophages, explique Didier Raoult. C'est donc un pathogène potentiel. » Il charge Bernard La Scola, alors en thèse dans le laboratoire, de trouver les conditions propices à la culture des amibes - seul moyen d'accéder aux bactéries qu'elles hébergent.
On est alors au début des années 1990. En 1992, une épidémie supposée de légionellose frappe l'hôpital de Bradford, en Grande-Bretagne. Dans le cadre de l'enquête qui est alors diligentée, le microbiologiste Timothy Robowtham effectue des prélèvements des liquides des tours de refroidissement de l'établissement. Des années auparavant, il a en effet mis en évidence la capacité des amibes - qui affectionnent les tours de réfrigération - à héberger des légionnelles [2] .Et depuis lors, il collectionne des échantillons provenant des différents sites épidémiques. En 1992, donc, il découvre des amibes qui hébergent une bactérie inconnue. Elle est baptisée Bradfordcoccus .Et son histoire s'arrête là. Temporairement.
Puis Robowtham arrête la recherche, et confie sa collection à son étudiant Richard Birtles. Lequel rejoint en 1995 le laboratoire de Didier Raoult en tant que post-doctorant, amenant avec lui la fameuse collection. L'examen systématique de ces amibes commence. L'identification des intrus qu'elles hébergent s'effectue en recherchant, pour le séquencer, un gène bien particulier : celui qui code l'ARN dit « 16S », constitutif des ribosomes. Ce gène est universel, puisqu'il est présent chez tous les membres des trois grandes lignées du vivant, à savoir les bactéries, les archées et les eucaryotes. Mais chaque espèce a sa séquence propre, ce qui permet de les classer les unes par rapport aux autres.
Bactérie réfractaire
Richard Birtles commence par identifier de nouvelles espèces de légionnelles, puis un nouvel embranchement d'autres bactéries, des Chlamydia, dont on ignorait qu'elles puissent vivre dans les amibes (il les appelle Parachlamydia ). Mais Bradfordcoccus, elle, résiste à l'analyse : impossible d'y détecter de l'ARN 16S. Curieux... et stimulant !
« Il me semble, se remémore Didier Raoult, que mon hypothèse d'alors était la suivante : le protocole employé pour casser la paroi bactérienne (afin de récupérer l'ARN) ne devait pas suffire dans le cas de Bradfordcoccus. Et j'ai suggéré de regarder ce qu'il en était au microscope électronique. » Bernard La Scola, lui, croit se souvenir qu'il examinait une autre bactérie, et qu'il a décidé d'en profiter pour jeter un coup d'oeil à Bradfordcoccus. Bref, toujours est-il que la microscopie électronique a révélé une forme icosaédrique, typique de certains virus ! Mais à une échelle totalement différente : avec ses 400 nanomètres de diamètre, cet objet étrance était, au bas mot, deux fois et demie plus grand que les plus grands virus connus, les Iridovirus. Un premier article est soumis pour publication à la revue Nature , qui le refuse - la description ne suffit pas.
Après avoir consulté Jean-Michel Claverie, directeur du laboratoire « information génomique et structurale » du CNRS, à Marseille-Luminy, Didier Raoult décide de se lancer dans le séquençage du génome de ce virus géant, qu'il a entre-temps baptisé Mimivirus (officiellement pour « Mimicking microbe virus », officieusement pour « Mimi la bactérie », héroïne des histoires que lui racontait son père). Les deux équipes se mettent au travail. Elles réalisent d'abord un séquençage partiel, qui prouve la nature virale de Mimivirus [3] . Puis elles se lancent dans le séquençage du génome complet. Il s'agit d'un génome d'ADN double brin linéaire, lui aussi géant : avec ses 1,2 million de paires de bases, il est deux fois plus gros que le plus gros génome viral alors connu, et plus gros que celui de certaines bactéries.
Son contenu se révèle atypique : ce génome renferme environ 1 000 gènes, dont 200 présentent des homologies avec des gènes déjà connus. Or, 30 d'entre eux n'avaient jusque-là jamais été mis en évidence chez un virus, et 7 semblent communs à tous les organismes - bactéries, archées et eucaryotes. D'où la proposition de Didier Raoult et de Jean-Michel Claverie d'ancrer Mimivirus dans l'arbre du vivant : celui-ci comporterait une quatrième branche, proche de l'origine des eucaryotes, et incluant Mimivirus et les autres grands virus à ADN (dont les Iridovirus). Une révolution conceptuelle !
Le premier virophage
Publiés en 2004 dans la revue Science [4] , ces résultats ont bien évidemment suscité beaucoup d'agitation chez les biologistes s'intéressant à l'origine évolutive des virus et, au-delà, à l'origine du vivant. Reste que le temps passant, une question revenait : « N'y a-t-il donc qu'un Mimivirus ? »
« C'est alors, raconte Didier Raoult, que nous avons mis en évidence une deuxième souche de virus géant : Mamavirus, légèrement plus gros que Mimivirus. » Toujours dans une amibe, récupérée cette fois dans un système de climatisation parisien. « Mais en l'examinant au microscope électronique, nous avons vu qu'il n'était pas seul. Il était accompagné d'un deuxième virus beaucoup plus petit, mesurant environ 50 nanomètres. » Un virus qui, une fois purifié et mis en contact avec des amibes, se révèle incapable de les infecter. À première vue, ce virus ressemble donc beaucoup aux virus dits « satellites », qui ne peuvent se multiplier qu'en présence d'un autre virus (c'est, par exemple, le cas de « l'agent delta », qui accompagne le virus de l'hépatite B). Bernard La Scola le baptise « Sputnik ».
Mais en poussant plus loin leurs investigations, les biologistes marseillais prennent conscience que Mamavirussouffre de la présence de Sputnik. Il se reproduit moins bien. Des virus de forme bizarre sortent des amibes, leur capside singulièrement épaissie. Certains autres sont dépourvus de génome, d'autres, sans génome non plus, renferment des Sputnik [fig. 1] . Bref, Sputnik rend Mamavirus malade. Du coup, Didier Raoult propose un nouveau concept : par analogie avec les « bactériophages », les virus de bactéries, Sputnikserait un « virophage », un virus de virus.
L'analogie entre virophages et bactériophages n'est pas seulement sémantique. En effet, les bactériophages ont, entre autres capacités, celle d'effectuer du « transfert latéral de gènes » entre bactéries : ils s'approprient les gènes des unes et les transfèrent à d'autres. Leur génome mosaïque le révèle clairement. Or, le génome de Sputnik, un ADN circulaire double brin, a lui aussi un aspect mosaïque qui sort de l'ordinaire. Il comporte 21 gènes codant des protéines, dont 13 sont inconnus, en ce sens qu'ils n'ont pas d'homologues dans les banques de données génomiques. Les 8 autres, en revanche, présentent des homologies avec des gènes viraux déjà répertoriés, en provenance soit de virus géants (pour trois d'entre eux), soit de virus infectant des archées, des bactéries, ou des eucaryotes. D'où l'hypothèse suivante : Sputnik ne serait-il pas capable de transférer directement des gènes entre virus ? À ce titre, il représenterait un « mode unique d'interaction entre les virus », comme le soulignent Bernard La Scola et Didier Raoult dans l'article décrivant Sputnik, publié en septembre 2008 par la revue Nature [1] .
Cellule virale
« Le concept de virophage est à cet égard extrêmement intéressant », apprécie Hiroyuki Ogata, chercheur dans le laboratoire de Jean-Michel Claverie. Pourquoi ? Parce que le génome des virus géants - ce quatrième « domaine de la vie » - est encore très peu connu, et que Sputnik pourrait aider à mieux le comprendre : « On estime que 10 % des gènes des virus géants proviennent d'un transfert horizontal à partir d'eucaryotes, et 10 %, d'un transfert horizontal en provenance de procaryotes (archées et bactéries), explique Hiroyuki Ogata. Mais le reste ? Quels sont les gènes descendant en droite ligne de l'ancêtre des virus géants ? Quels sont ceux provenant d'autres virus, via un transfert horizontal de gènes ? On n'en sait encore rien, mais Sputnik a le mérite de suggérer comment un tel transfert horizontal pourrait s'effectuer. »
Pour Jean-Michel Claverie, le concept de virophage est particulièrement stimulant pour qui s'intéresse à la nature - vivante ou non - des virus. La découverte de Mimivirus avait déjà vivifié ce débat, à cause de son génome certes, mais aussi en raison de son cycle cellulaire (assez semblable à celui des gros virus à ADN). En effet, après l'infection, on voit apparaître une « usine virale » dans le cytoplasme de l'amibe infectée. Il s'agit d'une structure bien visible au microscope électronique (celle de Mimivirus est géante [5] ), qui ressemble au noyau cellulaire. C'est au sein de cette usine virale que le génome du virus se réplique, et que les particules virales sont synthétisées et assemblées.
Or, « cette usine virale présente bien des points communs avec le noyau d'une cellule, explique Jean-Michel Claverie. Dans le cycle de vie des virus, c'est elle l'entité véritable. Au regard de sa complexité, on comprend l'utilité d'un génome de 1 000 gènes, nécessaire à la création de cette "cellule virale" après chaque infection. » Dans cette perspective, les particules virales produites dans l'usine virale seraient en quelque sorte les gamètes émis par cet organisme éphémère pour se reproduire. Mais « pour valider complètement le parallèle entre usine virale et cellule transitoire, il faudra s'assurer que Sputnik se reproduit intégralement dans l'usine virale, ajoute Jean-Michel Claverie . Si c'est bien le cas, alors les Mimivirus pourront définitivement rejoindre le domaine des organismes vivants - et avec eux, les gros virus à ADN, avec lesquels Mimivirus partage nombre de caractéristiques ».
Cette conception que certains considèrent encore comme une hérésie est-elle à ce point provocatrice ? Avec du recul, pas tant que cela. « J'ai commencé mes travaux de recherche sur les rickettsies , déclare Didier Raoult. Aujourd'hui, il ne fait aucun doute pour personne qu'il s'agit de bactéries intracellulaires. Mais à l'époque, elles étaient placées du même côté que les virus. Là, on a des virus qui se rapprochent des bactéries : c'est encore une fois une belle illustration que les définitions établies à un moment donné ne reflètent qu'une connaissance partielle, et qu'il est nécessaire de les faire évoluer ».
Cécile Klingler
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