Quand faut-il nourrir ?
D'une manière simpliste, mais qui ne l'est qu'en apparence seulement, on peut répondre : "chaque fois que c'est nécessaire".
Car, en effet, à vouloir trop bien faire, le remède risque d'être pire
que le mal. Par exemple trop nourrir une ruche à l'automne ou, la
nourrir alors que cela n'est pas nécessaire, contraindra au printemps à
retirer des cadres de provisions (d'où problèmes de conservation de
ces cadres, fausse teigne etc. …) ou, si on n'y prend pas garde,
aboutira à avoir un nid à couvain vite bloqué (d'où essaimage et...
perte de récolte, sinon d'abeilles).
Donc il faut agir de façon réfléchie, avec prévoyance, en fonction de
l'objectif fixé, de l'environnement, du climat, et aussi de ses
abeilles.
Il faut savoir que l'abeille noire locale (Apis Mellifera Mellifera) a
un démarrage plutôt lent au printemps (donc gagnera peut-être à être
stimulée), que l'abeille italienne (Apis Mellifera Ligustica) consomme
beaucoup, tout comme l'abeille Buckfast d'ailleurs (donc aura besoin de
davantage de provisions), que l'abeille caucasienne (Apis Mellifera
Caucasica) hiverne plutôt mal - sensible à la nosémose - et a un départ
printanier lent et tardif (donc gagnera peut-être à être stimulée), et
que l'abeille carniolienne (Apis Mellifera Carnica) consomme
relativement peu (donc nécessitera moins de réserves) et a une
croissance très rapide en début de saison.
Si on admet, et il faut le faire !, que la saison apicole commence avec la
mise en hivernage le premier nourrissement pourra donc avoir lieu en fin d'été, dès la
mi-août. Ceci n'est valable bien sûr que si on ne transhume pas sur une
miellée tardive : bruyère callune, voire sapin, dans les monts du Forez.
L'objectif sera de relancer la ponte de la reine pour obtenir une
population d'abeilles d'hiver (abeilles biologiquement différentes) plus
importante.
Le nourrissement sera de type stimulant : sirop léger (1/1 c'est à dire 1
kg de sucre cristallisé
pour 1 l d'eau) à donner en faible quantité et en plusieurs fois. En
général 0,5 l à 3 reprises, espacées de 3 à 4 jours. Ce nourrissement
sera inutile, car inopérant, si de petites miellées tardives en tiennent
lieu naturellement (trèfle blanc après des orages de fin d'été,
lierre…).
Et c'est en général le cas dans notre région.
Le nourrissement suivant est le plus important, celui auquel tout apiculteur pense d'emblée c'est le :
Nourrissement de complément de provisions
L'objectif est de fournir aux abeilles des provisions suffisantes pour la
consommation hivernale et la relance de la colonie au printemps.
Après une évaluation des réserves soit de façon empirique ou
l'expérience de l'apiculteur joue un grand rôle (soupesage) , soit de
façon rationnelle (pesée mécanique), en cas d'insuffisance, celles-ci
seront complétées pour atteindre le poids de 12 kg (poids de la ruche,
des cadres, des abeilles déduit), poids minimum communément admis pour
notre région.
On apportera alors le complément sous forme d'un sirop concentré donné
en une seule fois (nourrisseur couvre-cadres) ou plusieurs
consécutivement (nourrisseur de petite taille).
Le nourrissement d'hiver
Ou nourrissement de soutien intervient plus tard en
saison, (ou tôt en début d'année si on considère l'année civile). Son
objectif est d'apporter un complément en cas de réserves insuffisantes,
souvent en février, mars (mauvaise estimation des réserves à la mise en
hivernage, surconsommation, hiver long, conditions météorologiques
défavorables au printemps…). Cet apport se fait sous forme d'un pain de
candi.
Placé sur le trou nourrisseur, il est facilement accessible même par
temps froid et n'apporte pas dans la ruche l'humidité qu'apporterait un
sirop donné à ce moment là, sirop que les abeilles prendraient
d'ailleurs très mal pour ne pas dire pas du tout à une telle époque.
La consommation du candi est par ailleurs un bon indicateur de l'état
général de la colonie. En cas de mauvaise prise, la colonie devra faire
l'objet d'un examen sanitaire attentif lors de la
visite de printemps.
Le nourrissement de stimulation
Il est à utiliser avec circonspection et demande une
bonne expérience, non pas dans sa mise en œuvre - qui est très simple -
mais dans son opportunité. L'objectif est de stimuler l'élevage pour
obtenir une population importante à un moment précis, miellée en
l'occurrence. D'où son autre nom de
"nourrissement spéculatif" aussi.
Mais que cette miellée n'arrive pas au moment escompté quand la
population est très importante, ou que les conditions météorologiques
soient défavorables à ce moment là et il y aura alors un risque de perte
de la colonie (famine possible, mais plus vraisemblablement essaimages
multiples) ou risque sanitaire (resserrement de la grappe avec abandon
de couvain).
Le nourrissement stimulant est à faire un mois et demi avant la
"date-cible" choisie - rappel : il faut 42 jours pour faire une
butineuse - et se fait par apport successifs et réguliers d'un sirop
léger (50/50) tous les 3 à 4 jours en faible quantité (environ 0.5 l)
pendant deux à trois semaines.
Ces apports doivent simuler des apports de nectar. Un
nourrissement stimulant n'aura sa pleine efficacité que si la reine est capable d'accroître sa
ponte (donc reine jeune et de qualité) et si les nourrices sont capables
de nourrir les larves (donc produisent beaucoup de gelée royale, ce qui
implique qu'elles aient du pollen - de qualité si possible ! - à
disposition en quantité).
D'où la nécessité parfois de nourrir aussi avec un apport de
pâte protéinée à placer directement sur les têtes de cadres du nid à couvain ; apport à
faire après la deuxième semaine de nourrissement au sirop ; quantité :
environ 300 gr en une fois.
Le nourrissement de secours
Enfin, l'apiculteur peut avoir à pratiquer un
nourrissement de secours à n'importe quel moment de l'année suite à des
conditions météorologiques très particulières (longue période de mauvais
temps, coup de froid) ou… nourrissement spéculatif inapproprié.
Cela reste cependant
exceptionnel dans notre région.
Ce nourrissement de secours se fera par apport d'un sirop de
concentration légèrement plus élevée (3/2) et en faible quantité (1 kg à
renouveler si nécessaire). Le retour à des conditions météorologiques
favorables peut rétablir la situation très rapidement (quelques jours).
Ce nourrissement ne doit en aucun cas présenter un risque de pollution de la récolte à venir.
Le miel est fréquemment déplacé par les abeilles d'un endroit à l'autre
dans la ruche. Tous ceux qui transhument sur l'acacia le savent
d'expérience : la première hausse, bien sûr vide au départ, contient
toujours quelques cadres avec un miel coloré "remonté" du corps de ruche
et provenant de la récolte en cours avant la transhumance, miel qui
suffit parfois à "polluer" la récolte d'acacia et que l'apiculteur
attentif veillera à extraire à part pour offrir un miel monofloral le
plus pur possible.
Cela a une conséquence importante : une partie du nourrissement non
consommé à l'époque de la miellée risque de se retrouver dans la hausse.
Pour éviter tout problème et pour pouvoir garantir une qualité
irréprochable à son miel, l'apiculteur devra éviter les nourrissements
tardifs et en cas de nécessité, les pratiquer avec beaucoup de
discernement.